CONTRE LA GUERRE AU MALI, POUR UN CESSEZ LE FEU ET DES NEGOCIATIONS

Depuis le 11 janvier dernier, suite à des mouvements de groupes armés islamistes vers Bamako, l’armée française est intervenue de manière massive au Mali, pays stratégique d’Afrique du Nord-Ouest situé au sud de l’Algérie et à l’Ouest du Niger. Depuis des mois, des terroristes tiennent tout le nord du Mali et se seraient enhardis au point, nous dit-on, de vouloir occuper l’ensemble du pays.
Cependant, le 13 novembre 2012 à l’Elysée, le président de la république française déclarait solennellement: « En aucun cas la France n’interviendra seule au Mali« .
Pourquoi -avec quels objectifs- la France s’est-elle engagée militairement au Mali ? Pour empêcher des « terroristes islamistes » de prendre Bamako ? Pour reconquérir le Nord du pays ? Pour rétablir une légalité démocratique, ébranlée par une tentative de coup d’Etat ? Pour contribuer à « la guerre contre le terrorisme »?
Alors qu’en représailles à cette intervention, des djihadistes ont organisé une prise d’otages en Algérie qui semble s’acheminer vers un désastre – plus de 80 morts dont près de 50 otages au lundi 21 janvier 2013- ce sont autant de questions auxquelles l’analyse peut apporter des réponses, alors même que les déclarations officielles à Paris restent floues. 
Décidée dans l’urgence suite à l’appel du Président par intérim du Mali -dont la légitimité démocratique est nulle puisqu’il est en place suite à un coup d’État qui a eu lieu le 22 mars 2012- cette intervention militaire a pris une ampleur inattendue. 
10 jours après l’intervention française, les pays africains tardent à s’engager et les partenaires européens et américain se contentent de promettre un appui logistique. 
De fait, la France est seule et isolée dans cette expédition.

L’expédition au Mali repose donc la question des relations de la France avec le continent africain, de ses responsabilités, de ses méthodes d’action, en un mot de la Françafrique qui, paraît-il, était terminée.


Deuxième interrogation: ne risque t-on pas l’enlisement et les guerres d’Irak et d’Afghanistan ont-elles réduit la menace terroriste ou l’ont-elles, au contraire, alimentée ?

Personne ne niera que ces groupes terroristes djihadistes soient composés individus extrêmement dangereux qui, fous de Dieu fanatisés ou sous prétexte de convictions religieuses , battent et/ou éliminent toute personne – en particulier les femmes- dont le comportement ne leur convient pas ou même pour rien, et sont aussi des trafiquants de drogue et d’armes.

Pour autant, qui peut  croire qu’il s’agit d’une opération « pour la démocratie et la paix au Mali » ? 


Une guerre au Mali et de l’uranium au Niger.

Depuis des décennies la dite démocratie a été constamment bafouée dans ce pays par des régimes corrompus largement soutenus par la France. Alors, pourquoi cette subite urgence « démocratique » ?

De même, qui croira qu’il s’agit de « sécuriser la région » ? En réalité, ne s’agit-il pas essentiellement de sécuriser l’approvisionnement des centrales nucléaires françaises en uranium: ce dernier est en effet extrait dans les mines du nord du Niger, zone désertique seulement séparée du Mali par une ligne sur les cartes géographiques.

Le Niger et le Mali sont -du fait des découpages territoriaux inhumains réalisés par les ex-puissance coloniales- deux pays en forme de sablier, une partie sud-ouest contenant la capitale, totalement excentrée et éloignée d’une immense partie nord-est, principalement désertique.
C’est ainsi que, pendant 40 ans, Areva (auparavant la Cogéma) a pu s’accaparer l’uranium nigérien dans ces mines situées à 500 kilomètres de la capitale, profitant de la « fragilité » du pouvoir politique nigérien maintenu par la France dans un état de dépendance par rapport à l’ancienne puissance coloniale.Ces dernières années, des groupes armés se sont organisés dans cette région: les Touaregs notamment, dépités d’être méprisés et spoliés. Mais aussi des groupes terroristes, certains issus des anciens GIA qui ont semé la terreur en Algérie, d’autres contrôlés par Kadhafi et autonomisés suite à la disparition de ce dernier.

Depuis, les mouvements Touaregs laïques et progressistes ont été combattus et marginalisés, en particulier par la montée en force du groupe salafiste Ansar Dine. Puissant et lourdement armé, ce dernier s’est allié à AQMI (Al Qaeda au Maghreb Islamique), faisant courir un risque de plus en plus évident pour les activités françaises d’extraction de l’uranium au nord du Niger.

L’intervention militaire française « pour la démocratie » est donc une fable qui a 

déjà beaucoup servi. Ajoutons qu’à 27 000 euros l’heure de vol d’un Rafale, le tarif réel du courant d’origine nucléaire est encore plus lourd que ce que l’on pouvait craindre…pas de rigueur ou d’austérité de ce côté là!

Ce positionnement offensif français déjà relevé à propos de la Libye en 2011 et de la Syrie en 2012 comporte de nombreux risques en termes de sécurité et de libertés individuelles et publiques. Il fait de Paris l’ennemi numéro un des djihadistes, le nouveau « grand Satan », avec le risque que ses ressortissants ou implantations à l’étranger, notamment en Afrique, ne deviennent des cibles potentielles -comme en Algérie actuellement-  ou que des objectifs soient visés dans l’Hexagone — ce que ne pourrait sans doute empêcher un dispositif comme le Vigipirate. 

Il convient donc de continuer à penser pendant la guerre et de ne pas se laisser manipuler.

Les intérêts fondamentaux de la France sont-ils en jeu au mali? Non, c’est François Hollande lui-même qui l’a dit lui-même dans son allocution en affirmant que «la France sera toujours là lorsqu’il s’agit, non pas de ses intérêts fondamentaux, mais des droits d’une population ». Est-ce la nouvelle doctrine diplomatique de notre pays? Sa nouvelle doctrine militaire? La France n’a donc pas fini d’intervenir partout. De plus, de quel droit s’agit-il ? Et de quelle population ? Cette phrase du chef de l’Etat  est floue et manque de sens concret. Pourquoi l’a-t-il prononcée ?
Le Parlement a t-il été consulté? Non. Pourtant au moment de la révision constitutionnelle de juillet 2008, le parti socialiste souhaitait -amendement numéro 292- que « le Gouvernement informe le Parlement des interventions des forces armées à l’étranger dans les trois jours qui suivent le début de celles-ci », qu’il «précise les objectifs poursuivis et les effectifs engagés» et enfin qu’il soumette «ses propositions au vote des deux assemblées dans les deux semaines qui suivent leur information ». Il motivait cet amendement en expliquant que « dans une logique démocratique avancée, il est nécessaire que le Parlement se prononce par un vote ». 
Dans les conditions actuelles, je suis favorable à un cessez le feu sous contrôle de l’ONU (casques bleus) et à la suspension des opérations militaires, le temps d’ouvrir les négociations entre les différentes parties.

Il importe de rester vigilant afin de permettre une information libre par les médias qui couvrent le conflit au Mali. 

Il est urgent de:
-préparer avec l’U.E et la communauté internationale un plan de développement ambitieux pour les populations des pays du Sahel, en particulier la reconstruction de leur souveraineté alimentaire et énergétique.
-prendre l’initiative auprès des Nations Unies de la mise en oeuvre urgente d’une conférence pour la paix, pour commencer dès aujourd’hui à mettre en place les conditions d’un retour à la démocratie avec une feuille de route intégrant le calendrier de l’élection du président et du parlement.
-Demander à l’Union européenne de mettre en place de toute urgence une plate-forme d’aide financière et logistique aux ONG internationales et maliennes travaillant sur place pour venir en secours aux populations civiles frappées par la guerre et notamment aux réfugiés et déplacés du nord du Mali;
-prévoir la mise en place de structures permettant l’envoi d’hôpitaux de campagne avec notamment des personnels formés à la prise en compte des viols de guerre.

Si les ressources de l’Afrique suscitent encore bien des convoitises, la volonté occidentale de permettre le développement politique, social et économique du continent africain semble bien absente des décisions françaises, européennes ou des organisations financières internationales. Cependant, seul ce développement peut garantir, à long terme, la stabilité et la paix dans cette région du monde et en Europe.