Une « pathologie » politique

En avril 2011, dans le cadre du débat « Les politiques ont-ils perdu le sens moral ? » organisé par Témoignage Chrétien, Laurence Vichnievsky apportait sa contribution au débat.
Retrouvez ci-dessous cette tribune.

Les politiques ont-ils perdu le sens moral ? Les électeurs se posent en tout cas la question et la réponse est souvent l’abstention ou le vote FN, alors que ce parti n’a brillé, ni par sa probité, ni par sa compétence les rares fois où il a été aux commandes locales.

Le sens moral en politique est pour moi le souci permanent de l’intérêt général et la préservation des équilibres dans le respect d’autrui et de la règle.

La nature humaine est complexe, les cultures sont diverses ; aussi le discours politique qui consiste à émettre de manière récurrente des propositions simplistes empreintes de démagogie ou des promesses irréalistes m’apparaît aussi vain que dépourvu de sens moral.

Le « gouvernement de la cité » mérite mieux de la part de ceux qui prétendent y accéder. Il mérite un contenu élaboré à partir de la parole de chacun, libéré de la pression d’intérêts catégoriels et tourné vers un objectif : celui de vivre ensemble, en répondant aux besoins du présent, sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs, avec une priorité en direction des démunis.

Comme magistrate, j’ai connu la « pathologie » de l’action politique affectant des partis de droite et de gauche. Les uns et les autres ont été, par le fait de quelques acteurs qui déshonorent la vie publique de notre pays, impliqués dans des affaires de corruption.

Cela ne signifie pas que toutes les composantes de cette classe politique sont malades de pouvoir, d’argent et que leurs programmes respectifs se valent, loin s’en faut !

La majorité de ceux qui s’engagent en politique sont sincères et portent des projets de société qu’ils pensent bénéfiques à la collectivité.

Si nous nous sommes mutuellement choisis avec Europe Écologie-Les Verts, c’est que l’écologie politique portée par ce mouvement n’est pas un simple programme pour amoureux de la nature comme beaucoup le croient encore mais un projet de société global, concret, qui correspond à mes valeurs.

Au-delà de notre devise républicaine « liberté, égalité, fraternité » qui m’est chère, je souhaite un autre modèle de développement que le nôtre.

Nous pouvons tous faire le constat que notre modèle de croissance n’est pas la panacée : il n’assure pas le plein emploi, il n’évite pas la pauvreté qui s’étend, il épuise la planète et les hommes, en leur faisant courir des risques immenses.

Je souhaite pour ma part une approche sociale et qualitative de l’économie, une remise en question de notre manière de produire et de consommer. Je préfère l’économie réelle au capitalisme financier, le long terme au court terme. Je ne veux plus de l’argent roi et je veux transmettre d’autres valeurs à mes enfants dont l’avenir me préoccupe.

Europe écologie-Les Verts, dont la structure diverse – élus, associatifs, société civile – m’a séduite, répond largement à ces aspirations et me paraît avoir gardé à ce jour son sens moral.

Pour que ce mouvement ne le perde pas et pour aider les vieux partis à le retrouver, il me semble indispensable que les états – majors mettent de l’ordre dans leurs rangs et fassent cesser les pratiques- notamment clientélistes- qui nuisent à l’image de la classe politique toute entière.

Si les directions des partis ne répondent pas à cette exigence démocratique, il appartiendra aux électeurs de les interpeller par leur vote.

Bien sûr la loi est là pour sanctionner les abus les plus graves mais le droit et la morale sont distincts ; l’éthique n’est pas consacrée par les textes et les conflits d’intérêt ne tombent pas tous sous le coup de la loi pénale.

Les pratiques clientélistes, les réseaux d’influence ne constituent pas nécessairement des infractions et sont pourtant condamnables au plan politique.

Respecter la séparation des pouvoirs, limiter strictement le cumul des mandats, éviter la professionnalisation de l’action politique, ne pas mélanger les intérêts économiques de quelques acteurs et ceux de la nation ou les siens propres, préserver l’indépendance des médias, sont autant de moyens de nous mettre tous à l’abri mais rien ne remplacera à mon sens les limites que chacun doit, de lui-même, s’imposer.

Laurence Vichnievsky