Le pacte pour une agriculture écologique et paysanne

Un pacte pour une agriculture écologique et paysanne



Notre horizon : rétablir une alimentation saine, redonner sens au métier d’agriculteur, protéger les ressources naturelles et revivifier les territoires ruraux.

Les caciques de l’agriculture française poursuivent un projet d’après-guerre largement dépassé. Ce modèle a généré une artificialisation des milieux(produits chimiques de synthèse, semences standards, races animales productives et standardisées élevées hors sol), la dégradation des ressources en eau, une consommation croissante d’énergie, la concentration des moyens de production (mécanisation exacerbée, agrandissement, endettement, diminution du nombre d’emplois agricoles, etc.).
Ce modèle profite avant tout aux géants de l’agrochimie et de l’agroalimentaire, et seulement en apparence au consommateur : les marges sont essentiellement captées par l’amont ou l’aval. Il est en revanche coûteux pour le contribuable en termes d’aides publiques agricoles et de coûts
de réparation sanitaires et environnementaux.
L’objectif est de passer d’un modèle productiviste et industriel à un modèle conçu avec les paysans par et pour les consommateurs européens,
et non plus pour l’exportation sur des marchés mondiaux artificiels et perméables à la spéculation financière, destructeurs pour les économies paysannes des pays en développement.
Au niveau international, il faut reconstruire l’accord sur l’agriculture de l’OMC sur le droit inaliénable des peuples à produire leur propre alimentation,
donc sur la souveraineté alimentaire, par une protection efficace à l’importation. Cela stabilisera les prix à un niveau rémunérateur pour les agriculteurs familiaux, avec une régulation internationale interdisant la spéculation.
Au niveau européen, nous défendrons une PAC écologique et cohérente avec les enjeux climatiques, favorisant l’emploi et la production de biens communs, via une redistribution des aides plus équitable, plafonnées par actif et en renforçant les mesures vertes du « 1er pilier ».

Nous défendrons une réévaluation de l’aide aux petites fermes ainsi qu’un niveau d’aide convergent pour les pays de l’UE à l’horizon 2020.
La France renoncera à l’utilisation de référence historique à l’hectare, inégalitaire, et s’efforcera de faire adopter par l’UE des aides « contracycliques », réduites lorsque les prix sont élevés et relevées quand ils sont bas. Elle renoncera également à autoriser la culture de tout OGM et apparenté sur le sol européen (hors recherche médicale confinée).
Au niveau français, nous porterons une loi d’orientation agricole instaurant un nouveau pacte entre agriculture et société, et abrogeant l’actuelle loi. Le gouvernement garantira le pluralisme syndical et l’ouverture à la société civile dans les inter-professions, et repensera la gouvernance de l’ensemble des institutions agricoles dans ce sens : enseignement, recherche, ministères, chambres, SAFER, CDOA, etc.
Cette loi comprendra :
– une réforme des aides publiques fléchées vers l’emploi, l’environnement, l’autonomie des systèmes, la qualité, l’élevage extensif, la diminution de l’élevage industriel ;
– le soutien à l’installation agricole par des plans locaux incitant au remplacement d’un départ par l’installation d’un nouvel agriculteur et par des prêts sans intérêts
pour les projets créateurs d’emplois ;
– une réforme de la gestion foncière : création de schémas de cohérence agricole et alimentaire régionaux organisant l’interrelation des zones urbaines et de l’agriculture locale
avec déclinaison dans les SCOT. Le non-démantèlement de sièges d’exploitations viables sera garanti, la consommation de terres agricoles sera limitée, la diversification des
productions et les circuits courts seront organisés ;
– le soutien à l’agriculture biologique, notamment en incitant les collectivités à atteindre 20 % de leur surface agricole en AB, par acquisitions foncières publiques ou associatives (type Terre de liens), baux environnementaux ou « gel » des surfaces déjà en bio. Les acquisitions foncières seront notamment financées par une taxe renforcée sur l’urbanisation des terres agricoles ;
– la mise en place d’un plan protéines afin d’atteindre l’autonomie d’ici 2020, incluant des cultures de légumineuses dans les rotations comme condition d’aides directes communautaires ;
– l’incitation à l’usage d’aliments AB dans la restauration scolaire via des partenariats avec les producteurs locaux ;
– des mesures pour juguler la captation de la plus-value par les distributeurs/transformateurs ;
– une fiscalité encourageant l’agroécologie et appliquant le principe pollueur-payeur : taxe sur les nitrates, redevances fortes sur les pesticides et sur l’irrigation, TVA favorable aux produits écologiques et défavorable aux polluants, réduite sur les produits alimentaires bio ;
– le soutien à la production d’agromatériaux (chanvre, paille…) et aux bioressources de deuxième et troisième génération pour la chimie sans concurrencer les besoins agronomiques et alimentaires, l’abrogation des aides aux agrocarburants de première génération, l’arrêt de leur importation.

En outre, nous orienterons massivement la recherche agronomique, l’enseignement et le développement vers l’agroécologie en termes d’organisation et de contenu, notamment par une recherche participative valorisant les savoirs paysans.

Contre la faim et la malbouffe, manger tou-te-s et manger mieux

Boire et se nourrir sont les premiers besoins de l’être humain. Dans toutes les civilisations, s’alimenter est un plaisir ; les repas structurent le temps social. La population mondiale vient d’atteindre 7 milliards d’habitants et atteindra 9 milliards en 2050. À l’heure actuelle, 1 milliard souffre de la faim, 1 milliard – dont nous faisons partie – de « suralimentation ».
Les émeutes en 2008 et la nouvelle flambée des prix en 2010-2011 sont dues non seulement à des épisodes liés au changement climatique, mais aussi à la raréfaction des denrées alimentaires du fait de l’occupation importante de terres agricoles par des cultures industrielles de type agrocarburantsou destinées au bétail.  Le système alimentaire mondial est le plus gros émetteur de gaz à effet de serre. Il faut 10 à 15 fois plus de terres pour produire un kilo de protéines animales que pour un kilo de protéines végétales. Pour nourrir la planète, il conviendrait donc de diminuer en France de 50 % la part des produits d’origine animale au profit des protéines végétales.
Les écologistes prônent une politique qui réponde aux besoins nutritionnels de la population en tenant compte de la capacité de la planète à y répondre, des ressources en terres agricoles, de la préservation des milieux naturels et du bilan énergie-carbone des aliments, qui repose sur une meilleure utilisation des protéines végétales, une réorganisation de la production au plus près des lieux de consommation et le développement de l’agriculture biologique.

Chez nous, il faut lutter contre le gaspillage, qui atteint 40 % de la production. La restauration scolaire génère des déchets considérables. Le bilan énergie-carbone des cultures sous serre, des produits surgelés, transformés, transportés, importés, est très mauvais. La production de nos aliments consomme dix fois plus d’énergie que ce que nous apporte leur digestion. Alors que nos traditions culinaires, la variété et la qualité de nos produits ont permis d’élever la gastronomie française au rang de patrimoine de l’humanité, les problèmes de santé (diabète, obésité, cancers, maladies cardiovasculaires, déficits, etc.) liés à une alimentation de mauvaise qualité ne cessent de croître. Ces maux ont pour cause l’industrialisation de la production, de la transformation et de la distribution : excès de sel, de sucre, de gras, de viande, d’alcool, de colorants et de conservateurs, de résidus d’engrais et de pesticides, OGM, déficit de sels minéraux ou de fibres.

Les enfants et les adolescents, influencés par la publicité, prennent de plus en plus tôt des habitudes de « malbouffe ». Les personnes âgées souffrent de problèmes spécifiques. Les classes modestes, les personnes précaires sont les plus touchées par les inégalités sociales de santé liées à l’alimentation. Celles et ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté peinent à acheter de quoi manger. L’activité des organisations d’aide alimentaire, avec leurs dizaines de milliers de bénévoles, tente de parer à la carence des politiques publiques. Pour contrecarrer toutes ces tendances négatives, les écologistes proposent cinq séries de mesures :
– en restauration collective (établissements scolaires, hôpitaux, maisons de retraite, entreprises, milieu carcéral…), proposer au moins un repas végétarien hebdomadaire.
Éduquer les enfants et sensibiliser les adultes à la diminution de la consommation de produits carnés. Accroître la part des produits de l’agriculture biologique dans la restauration collective, passer à 100 % dans les crèches et les écoles maternelles. Favoriser la réinstallation des cuisines dans les établissements en liaison chaude. Lutter contre le gaspillage ;
– financer un programme national de recherche en nutrition, légitimer les résultats des enquêtes épidémiologiques constatant les méfaits de l’alimentation « moderne », introduire des normes de qualité minimale pour l’agroalimentaire et la grande distribution, interdire les produits nocifs pour la santé et poser les bases d’un programme d’éducation et de formation à l’alimentation. Exiger la stricte indépendance des experts intervenant dans l’élaboration des directives gouvernementales ;
– réglementer la publicité en direction des enfants et les interventions des lobbies en milieu scolaire et universitaire.  Améliorer et simplifier les étiquettes ;
– soutenir les initiatives des collectivités et des associations telles qu’Amap, ateliers cuisine, potagers collectifs, ouvriers, d’insertion, de pied d’immeuble.
Inciter les collectivités à préserver des espaces pour la production locale. Soutenir la structuration des filières du bio, des circuits courts, de la distribution des produits frais, notamment par la commande publique ;
– faciliter l’accès des plus démunis aux produits frais et de qualité, et aider à l’approvisionnement des organisations de l’aide alimentaire, notamment en leur attribuant les surplus
agricoles au lieu de les détruire.