« Enrayer les ventes à la découpe » : des moyens et une proposition de loi écologiste

« Enrayer les ventes à la découpe »
UN IMMEUBLE À LA DÉCOUPE ?

La vente à la découpe consiste pour les  investisseurs immobiliers à acheter des immeubles entiers puis de les revendre appartement par appartement en vue de retirer une plus-value substantielle. Cette pratique a été favorisée par une défiscalisation des ventes de biens immobiliers votée en 2002 (amendement MARINI, UMP) grâce à la suppression de l’impôt sur les bénéfices (fixé auparavant à 33.3%).

QU’EST-CE QUE LE CONGÉ VENTE ?
Six mois avant la fin du bail, le locataire  reçoit une notification de congé pour vente : son bail ne sera pas renouvelé. Le propriétaire lui donne congé pour ne pas vendre le logement occupé (logement occupé = 20% moins cher).

QUE DEVIENT LE LOCATAIRE ?
Prioritaire pour acquérir, le locataire se voit proposer de racheter son logement. Mais aux prix actuels du marché (8150€ par m2 en moyenne à Paris fin 2011), les familles en sont le plus souvent incapables et se retrouvent alors évincées
d’un habitat occupé parfois depuis des dizaines d’années.

REPÈRES
A Paris 56000 logements ont été touchés par ce phénomène entre 1995 et 2004.
En 2006, il est recensé 275 sites d’immeubles en procédure de découpe dans Paris et banlieue. Et les scandales se succèdent partout en France :
-l’opération de cession de l’avenue de la République à Marseille : 1250 logements rachetés puis découpés par le fond d’investissement Lone Star
-la vente d’un ensemble d’immeubles de 42000 m² dans le quartier de la Presqu’île à Lyon par le groupe américain Cargill.
-Cette année, le groupe Gecina se sépare de 1200 logements dans les VIIIe, Xe, XIIe, XIIIe, XVe, XVIe, XVIIIe, XIXe et XXe arrondissements de Paris.
Ces opérations concernent à elles seules des milliers de locataires.
Après l’adoption de l’amendement Marini, Gecina a triplé ses ventes à la découpe : 1,5 milliard d’euros en 2003, contre 500 millions en 2002.
De plus, cet amendement a généré une flambée boursière des sociétés foncières: 15% en quelques semaines, 80% en quelques mois pour Gecina, dont le bonus fiscal s’élève à plus de 400 millions d’euros.
■ De simples mesures d’information ou de prorogation du bail
Plusieurs niveaux de protection sont prévus, sans offrir de réelle alternative au congé pour vente. Ces protections diffèrent selon des critères d’âge, de ressources, de handicap, d’invalidité, de composition du foyer, d’ancienneté du bail.
■ La faible puissance de la préemption municipale
L’outil municipal de préemption, qui permet l’achat par la collectivité des logements menacés, se révèle insuffisant au regard des montants des ventes mises en jeu. En effet, le compte foncier de la ville de Paris s’élève à 90 millions d’euros pour l’année 2012. Soit le coût de préemption d’à peine un immeuble.
Les viLLes se transforment en monopoLy géants où Les spécuLateurs jouent avec nos Logements, aux prix de L’excLusion de miLLiers de famiLLes. Les écoLogistes s’associent à La Lutte des Locataires victimes de vente à La découpe : Le Logement n’est pas une marchandise, c’est un bien essentieL à chacun pour pouvoir construire sa vie. a ce titre, iL devrait être extrait de La simpLe Logique du marché.

QUAND LA SPÉCULATION MÈNE À L’EXPULSION
Enrayer les ventes à la découpe
➦Mettre en place une protection efficace des locataires
Les écologistes ont d’ores et déjà déposé un projet de loi au Sénat. Ils proposent la suppression  du congé vente. Comme en Allemagne, les propriétaires seraient alors contraints de vendre leur logement encore occupé. Les locataires seraient mieux sécurisés dans leur bail et l’effet inflationniste du congé vente (du fait du changement de locataire qui permet l’augmentation du loyer) s’en trouverait strictement limité.
➦Donner les moyens à l’action municipale de lutter contre la spéculation
Le groupe EELVA au Conseil de Paris milite pour que le compte foncier de la Ville de Paris soit augmenté à une hauteur suffisante pour mener une véritable politique de préemption urbaine, en utilisant efficacement les fruits des droits de mutation (taxe sur les ventes immobilières ayant rapporté près de 900 millions d’euros en 2012 perçue par la Ville de Paris).

TREIZIÈME LÉGISLATURE
PROPOSITION DE LOI
visant à lutter contre la pratique de vente à la découpe
PRÉSENTÉE
Par Leïla AICHI, Aline ARCHIMBAUD, Esther BENBASSA, Marie-Christine BLANDIN,
Corinne BOUCHOUX, Ronan DANTEC, Jean DESESSARD, André GATTOLIN, Joël
LABBE, Jean-Vincent PLACE Sénateurs

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La pratique des « ventes à la découpe » correspond à une financiarisation à outrance du marché du logement. Des marchands de biens achètent pour revendre à la découpe ou plus rarement en bloc après restructuration. Ils avaient disparu lors de la grande crise immobilière du début des années 1990, crise dont ils étaient en partie responsables, car ils avaient alimenté la spéculation à la hausse des prix en constituant d’énormes stocks de logements, qu’ils ont bradés quand la bulle spéculative a éclaté. Aujourd’hui, les marchands de biens se sont professionnalisés. Il s’agit de fonds opportunistes (Carlyle, Carval…) ou de sociétés appartenant à des personnes physiques. L’année 2012 risque d’être particulièrement propice au développement de cette pratique car de nombreux propriétaires pourraient mettre en vente une partie de leurs patrimoines avant une probable correction des prix. Ces ventes à la découpe sont un véritable drame social pour les classes populaires et moyennes de la capitale qui se retrouvent ainsi évincées d’un logement occupé parfois depuis des dizaines d’années. Qui plus est, ces ventes d’immeubles en lots par les investisseurs institutionnels sont favorisées par une défiscalisation des plus-values dans la loi de finance de 2002.
Ce phénomène de vente à la découpe est toujours d’actualité et touche principalement les zones tendues. Pour ne citer que quelques exemples, Marseille, Lyon, Paris et de nombreuses communes d’Ile-de-France sont touchées :Saint-Mandé, Charenton, Boulogne-Billancourt, Fontenay sous Bois, Vincennes, Courbevoie, Versailles. A la fin de l’année 2006 il était recensé encore 229 sites d’immeubles en procédure de découpe dans Paris. Et actuellement, le groupe GECINA a annoncé la liquidation de 1239 logements de son patrimoine en bloc et les cessions de 395 M€ à la découpe dans les 14e, 15e et 19e arrondissements. Entre 1995 et 2004, 56 000 logements ont été touchés à Paris et la Ville n’a pu racheter que 9 740 logements sur la période 2001 à 2007.
En effet à Paris comme ailleurs, la capacité de préemption des communes pour rattraper les logements affectés est largement insuffisante au regard de l’ampleur des cessions prévues. Or la préemption est à peu prêt le seul outil efficace dont dispose le communes pour lutter contre la spéculation.
Par ailleurs, les évolutions législatives et réglementaires pour ériger un dispositif deprotection du locataire en cas de congés vente sont insuffisantes.
La loi Aurillac de 2006 impose certes à l’acheteur la prolongation de six ans des baux des locataires en place et ces derniers sont prioritaires pour acheter mais considérant le prix de l’immobilier, peu parviendront à acheter.
De fait, la législation actuelle ne permet qu’un encadrement de la procédure et un allongement du délai de fin de bail et en aucun cas l’éviction du locataire de son logement par la délivrance d’un « congé vente » ou d’une hausse de loyer disproportionné par rapport à ses revenus.
Sur la création d’un permis de mise en copropriété
Ce permis de mise en copropriété serait délivré par le maire ou le président de l’EPCI. Il serait exigé pour toute opération de division par lots d’immeuble d’au moins cinq logements. Il aurait par ailleurs pour objet de  n’autoriser cette division que si l’immeuble respecte des normes techniques et environnementales définies afin que les travaux de mise aux normes soient réalisés avant la mise en copropriété en raison des difficultés à réaliser des travaux importants sur les parties communes des immeubles mis à copropriété.
Sur la nécessité de supprimer le congé pour vente
Il s’agit de supprimer la possibilité pour un propriétaire de donner congé à un locataire fondé sur sa décision de vendre le logement. Car c’est bien une source d’augmentation des prix puisque son objet est de faire partir le locataire pour vendre le logement plus cher.
Comme dans beaucoup de pays européens, les propriétaires pourraient vendre leur logement mais occupé.

PROPOSITION DE LOI

Article I
Le titre III du livre VI du code de la construction et de l’habitation est complété par un
chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Permis de mise en copropriété
« Art. L. 634-1. – Toute division par lots d’un immeuble comprenant au moins cinq locaux à
usage d’habitation doit faire l’objet d’un permis de mise en copropriété.
« Art. L. 634-2. – Le permis de mise en copropriété est instruit et délivré dans les formes,
conditions et délais déterminés par un décret en Conseil d’État. Il est délivré par le maire
au nom de la commune. Lorsqu’une commune fait partie d’un établissement public de
coopération intercommunale compétent en matière d’habitat, elle peut, en accord avec cet
établissement, lui déléguer cette compétence qui est alors exercée par le président de
l’établissement public au nom de l’établissement. Cette délégation de pouvoir doit être
confirmée dans les mêmes formes après chaque renouvellement du conseil municipal ou
après l’élection d’un nouveau président de l’établissement public.« Pour l’instruction des documents visés au présent chapitre, le maire ou, s’il est
compétent, le président de l’établissement public de coopération intercommunale peut
déléguer sa signature aux agents chargés de l’instruction des demandes.
« Art. L. 634-3. – Toute demande de permis de mise en copropriété est déposée à la
mairie. Dans les cas où la commune a délégué ses compétences à un établissement
public de coopération intercommunale, le maire conserve un exemplaire de la demande et
transmet les autres exemplaires au président de l’établissement public compétent dans la
semaine qui suit le dépôt.
« Art. L. 634-4. – Toute personne souhaitant obtenir un permis de mise en copropriété doit
assortir sa demande d’un dossier présentant l’état de l’immeuble au regard de normes
techniques et environnementales définies par décret ainsi que les contrats de location des
logements loués.
« Art. L. 634-5. – L’autorité compétente peut refuser de délivrer le permis de mise en
copropriété si l’immeuble ne répond pas à des normes techniques et environnementales
définies par décret.
« Art. L. 634-6. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du
présent chapitre. ».
Article II
L’article 15  de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et
portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi modifié :
1° au premier alinéa du I.- les mots  « ou de vendre » sont supprimés
2° le II.- est abrogé« VENTE A LA DECOUPE »