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Dans le Sud-Ouest, Bové agit en antisceptique...

Article original: http://www.liberation.fr/politiques/2014/05/19/dans-le-sud-ouest-bove-agit-en-antisceptique_1021142

REPORTAGE A Perpignan, la tête de liste Europe Ecologie dans la région, « noniste » en 2005, lutte notamment contre ses alliés d’hier.

Journée de campagne ordinaire pour José Bové. Invité de la matinale de France Inter ce matin-là, à Paris, il file vers l’aéroport direction Perpignan, avec un gros retard à l’arrivée en raison d’un mouvement des aiguilleurs du ciel. Pas terrible comme bilan carbone, mais il assume d’un grand éclat de rire… Pipe, moustache, Larzac, roquefort, OGM, prison, combativité planétaire, franc-parler et, depuis 2009, Europe : Bové est une marque politique vite identifiable pour l’électeur. Dans la rue, les gens lui envoient de petits signes, sourient en le croisant ou lancent parfois des « salut José », comme à un vieux copain.
Voilà donc le chef de file Europe Ecologie de l’immense circonscription Sud-Ouest dans la cité catalane pour des rencontres avec des professionnels préoccupés par les conséquences des directives de l’Union européenne. A savoir le dumping social dans le secteur ouvert du BTP et les taxations aux frontières sur les importations de fruits et légumes. Dans ce département très eurosceptique des Pyrénées-Orientales, ses principaux adversaires s’appellent Jean-Luc Mélenchon (Front de gauche) et Louis Aliot pour le FN, qui, chacun à leur manière, surfent sur le fort ressentiment anti-Bruxelles. « Des populistes, des statonationalistes, dit José Bové, qui ne foutent vraiment pas grand-chose au Parlement, si ce n’est toucher leur salaire. Avec eux, on ne peut rien construire. » Et à propos de Mélenchon, à qui il ne « parle plus depuis plus d’un an », il confie : « Moi, mon internationalisme ne m’amène pas à soutenir, comme il le fait, des dictateurs ou Poutine sur l’Ukraine. »

Franchise. Face à cette concurrence europhobe, « José » l’ancien « noniste » au traité constitutionnel de 2005 (et alors camarade de tribune de Mélenchon), joue la différence : il s’efforce de mener une vraie campagne de combat, centrée sur l’Europe, débarrassée de toute scorie de la politique nationale. « L’Union européenne n’est pas plus bordélique ni technocratique que l’Etat français », dit-il. En 2009, cette volonté de réenchanter l’Europe pour mieux la réorienter lui avait valu près de 16% des suffrages et deux sièges pour sa liste.

La partie s’annonce cette fois beaucoup plus délicate, mais José Bové mise sur son bilan et sa surface personnelle, propre à transcender les clivages sur certains dossiers.

C’est par exemple le cas face à ces entrepreneurs et responsables locaux du BTP, réunis autour de lui pour une table ronde. « Doit-on faire de l’optimisation sociale comme d’autres font de l’optimisation fiscale ? » l’interroge un petit patron qui se plaint de la concurrence déloyale des « travailleurs détachés » européens. Didactique sans être techno, Bové tente de remettre en perspective le débat en expliquant la technique parlementaire pour « freiner le dumping social en allant vers l’harmonisation ». Puis l’ancien syndicaliste ajoute avec franchise, en tutoyant systématiquement ses interlocuteurs : « Tu vois, c’est un travail long mais c’est un objectif majeur. » « Oui, mais nous, on est au bord du gouffre… » lui répond le chef d’entreprise.

La discussion se poursuit, et quand Bové est embarqué vers l’insoluble, il finit par lâcher : « Ça, c’est le problème de la complexité du monde… » Ou encore : « Tout le monde est en colère et on se trompe de destinataire : le FN ne branle rien au Parlement. » Activiste façon roquette politique, José Bové, 60 ans, continue à faucher des champs d’OGM, à s’afficher au premier rang avec ceux qui luttent :« On peut parfois se sentir face à un mur, mais il faut y aller quand même… Moi, je me suis battu contre des moulins à vent et souvent ça marche. »

Arcanes. Il aime à retrouver des anecdotes sur son fait d’armes du démontage de McDo de Millau en 1999 (« Les RG m’avaient appelé pour me dire que McDo était prêt à nous fournir une statue de leur clown Ronald si on laissait de côté nos outils pour démonter le resto ! »), évoquer ses bras de fer avec les altermondialistes face à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ou ses batailles contre des institutions françaises, comme l’Institut national de la recherche agronomique (Inra).

Mais il s’est aussi fondu dans les institutions européennes, dont il donne le sentiment de maîtriser les arcanes. « L’Europe, c’est une grande expérience démocratique qu’il faut approfondir. En France, on est à rebours de cette histoire en train de s’écrire avec notre monarchie élyséenne », explique-t-il à ses interlocuteurs souvent sceptiques. Et de défendre l’élargissement - « légitime pour les peuples de l’Est après la chute du mur de Berlin ou la guerre en ex-Yougoslavie » -, comme davantage de politiques communes harmonisées : « Ce n’est pas Montebourg avec ses bras et son petit coq qui va sauver Alstom. Il faut une politique européenne de l’énergie. » Mais, signe que les grandes orientations actuelles de l’UE ne lui conviennent pas, il voterait« non, comme en 2005, au traité constitutionnel si c’était à refaire ».

Antoine GUIRAL envoyé spécial à Perpignan
Photo : José Bové lors du lancement de la campagne électorale d’Europe Ecologie à Toulouse, le 8 avril. (Photo Christian Bellavia. Divergence)

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